Les Egarements Monumentaux

avril 20, 2008

Verrières de la chapelle de la Vierge (st Roch, IV)

Filed under: église st-Roch, Paris,vitraux — pfbenoit @ 9:31

L’art du vitrail, né en Europe à l’époque carolingienne, s’éteignit au 16 ème siècle, dit-on. Cela est vrai, mais il fallait bien offrir à nos beaux monuments classiques des verrières à leur hauteur ! Le 17 ème et le 18 ème siècle furent l’époque des grisailles. De gigantesques baies jouant sur une seule couleur habillèrent de lumière les églises et les chapelles que l’on bâtissait alors, ou celles que l’on restaurait. Car ce fut, malheureusement, aussi l’époque où l’on abattait des vitraux précieux du moyen-age, par goût ou par nécessité, à Saint Denis, à Chartres ou à Notre Dame de Paris, et partout en France.

Nos grandes grisailles, bordées de fleurs et d’écussons colorés, ne sont pas sans charme. Si elles ne méritent pas qu’on les admire, leur compagnie se révèle plaisante. Dire qu’elles sont fonctionnelles serait une faute de goût : il ne faut pas imposer au passé nos obsessions modernes. Et pourtant, elles projettent dans les nefs spacieuses et jusqu’aux bas-côtés les plus reculés, une lumière vive et doucement colorée. Plusieurs églises parisiennes offrent au regard attentif des ensembles presque complets de ces verrières. Le grand vaisseau de saint Sulpice, tellement sombre qu’on le dirait antique, s’éveille lorsque frappe le soleil. A saint-Paul-saint-Louis, l’ancien temple de la Compagnie de Jésus qui a tant souffert de la révolution conserve de beaux panneaux. On les trouve aussi à saint-Germain-des-Prés, habillant les grandes ouvertures du transept, épargnées par le goût discutable des restaurateurs néo-gothiques.

A saint-Roch, c’est un ensemble varié qui accueille le pèlerin des arts ou de la Foi. De grands panneaux opaques encadrés de rubans colorés distribuent la Lumière divine. La Chapelle de la Vierge, au fond du vaisseau, conserve, dans ses bas-côtés, de belles verrières qui les éclairent. Les verrières de la rotonde datent pour leur part du Second Empire, prenant la place des anciennes grisailles ornées de médaillons peints.

A l’oeil non averti, c’est une obscure symbolique qui s’étale sur ces panneaux. Quelque romancier américain y verrait sûrement une énigme, un complot, une carte. Ce qu’il faut y voir est à la fois plus simple, plus érudit, et plus beau. De grands médaillons ovales encadrés d’ors, de guirlandes, de mascarons, et coiffés d’un fronton, sont gardés par de beaux anges en prière. Au centre, sur un fond rose ou violet, deux beaux lys protègent de leurs fleurs délicates des symboles mystérieux et tous différents.

C’est à la Vierge que l’on rend ici hommage ! La Mère de Dieu qui intercède en notre faveur méritait bien un tel ouvrage. Construite dans la première moitié du XVIII ème siècle, la chapelle résonne encore de l’appel grave et solennel du concile de Trente. La chrétienté catholique, en lutte contre la réforme, met à l’ouvrage les artistes pour défendre ses dogmes. Là où les docteurs de la réforme plantent leur oeil inquisiteur, et leur esprit tatillon, l’Eglise contre-attaque plus fort. Plus un objet du dogme est attaqué, plus l’Eglise de Rome se fait insistante. Ces verrières, dans ce climat, nous parlent de l’ Immaculée-Conception : ces attributs singuliers qui nous étonnent sont les arguments pacifiques et poétiques de cette belle idée. Tous sont à la fois une image symbolique de la Vierge sans-tâche, et une allégorie de sa Victoire sur le péché, telle que les prophètes de l’ Ancienne Loi pouvait la pressentir. Ce beau vase (ci-dessus), est le Vase d’élection, car son sein accueillit le Sauveur..

Ce portail de pierre qui parait égyptien est Marie, la Porte du Ciel. Ce coffre d’or, qu’il faut lire comme l’Arche d’Alliance, est à l’image de Marie. L’Arche vénérable dont parlent les anciens livres des hébreux, est renouvelée en Marie, qui abrite en son sein celui qui révéla le Nouveau Livre.

Marie est le Miroir sans tâche, exempte du péché par Décret Divin. Quels sont ces attributs autour de notre miroir, je ne le sais pas. J’y vois des os. A droite, ce fier donjon serait la Tour Inexpugnable, jamais atteinte par le péché. A moins qu’il ne s’agisse du Refuge des Pécheurs, ou de la Tour de David, allusion à l’arbre de Jessé. D’autres belles allégories existent, qui ne sont pas représentées à st-Roch. Dans quel domaine, lecteur, la vénérable Antiquité mère des Arts développa-t-elle un aussi riche programme symbolique ?

Face au soleil de midi, la verrière est d’une couleur plus solennelle. Elle abrite le monogramme AM, Ave Maria, composé de fleurs aux pétales fermés. N’oublions pas, en face, le petit vitrail du Nom Divin, au milieu de la grande « gloire » en stuc et en bois doré. Quant aux belles étoiles brillant entre les lys, et qui tapissent l’ensemble des verrières, n’est ce pas Marie, l’Etoile du Matin ?

Un commentaire »

  1. Ayant récemment visité l’église Saint-Roch, j’ai apprécié vos commentaires et photos sur les vitraux de la rotonde qui, il faut le dire, passent un peu inaperçus à côté des vitraux célèbres dans l’histoire du vitrail, celui de 1710, celui de Mortelèque et ceux de la Manufacture de Sèvres.
    J’ai beaucoup aimé que vous présentiez la chasse de la Casa de Loretto, que je ne connaissais pas et qui paraît superbe. Je suis très attaché à cette tradition, d’autant qu’au nom de Lorette se rattache l’un des épisodes les plus émouvants de la guerre de 14-18 lorsque d’octobre 1914 à octobre 1915 plus de 100000 combattants sont morts pour la possession de la colline Notre-Dame de Lorette sur la route d’Arras à Béthune.

    Commentaire par BRUN Pierre — Mai 31, 2009 @ 2:52 | Réponse


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